Faut-il et peut-on interdire la prostitution ? émission France Inter à réécouter ici
Sujet passionnel, débat passionné.
La prostitution est protéiforme, c'est vrai, et c'est sans doute encore plus
vrai aujourd'hui. Je n'ai pas la solution à la question posée. Je souhaite
néanmoins ajouter deux ou trois points d'observation.
1/ à ma connaissance, non mise à jour sur ce sujet
abordé par tous les étudiants en droit qui font de la fiscalité : le
commerce du corps est interdit en France, cela dit, les personnes concernées
qui oeuvrent sous un statut légal, oeuvrent en général sous la forme libéral / BNC (massages, et
autres couvertures), et en cas d'exercice non déclaré découvert elles sont
invitées à payer des impôts sans emprisonnement je crois ; il s'agit donc d'une
interdiction doublée d'une certaine forme de tolérance, et même de
reconnaissance (N.B. c'est la blague des profs de fiscalité, en général!)
2/ La
mémoire est importante : lorsque la Loi de 2003 a été votée, elle répondait à
un phénomène conjoncturel impressionnant en Europe : les "réseaux" de
proxénètes oeuvrant en ex Yougoslavie en achetant des filles à leur familles,
qui droguaient les filles et les battaient parfois jusqu'à ce que mort s'en
suive, avaient déferlé sur l'Europe entière ; phénomène apparu d'abord en
Italie dès la fin des années 90 et autres pays frontaliers de l'ex Yougoslavie ; puis il s'est rapidement propagé dans des proportions énormes dans toute
l'Europe.
3/ Je partage l'idée selon laquelle la liberté individuelle est un
bien précieux, mais vendre son corps pour payer ses études très confortablement
n'est pas plus une obligation qu'elle ne peut être une fierté aussi assumée que
la jeune fille concernée ne paraît le faire ; il y a des tas d'autres boulots à
faire pendant ses études, heureusement.
Le témoignage de la dame, qui est
sortie de la prostitution après des années est très émouvant je trouve ; sans
doute tenait-elle les mêmes propos que cette jeune fille au même âge, et une
fois les années passées, le regard sur ses propres choix n'est peut-être pas le
même !
J'ai rencontré une jeune femme un jour pas si lointain, qui faisait des "massages"
qui en réalité cachaient de la prostitution volontaire, délibérée et
apparemment librement consentie ; mes constats lors de nos échanges :
a- elle
était en recherche et en demande constante d'affection qu'elle croyait pouvoir
assouvir par une activité sexuelle rémunérée et débridée, sans véritablement y
parvenir ;
b- elle parlait beaucoup des hommes très riches qu'elle côtoyait et
l'appât de l'argent était clairement une forme de prison pour elle, un peu comme
une personne dépendante au jeu ;
c- ainsi, elle ne me paraissait pas aussi
libre que ce qu'elle affirmait être, et ce décalage était très perceptible de
l'extérieur, ce qui la rendait à mes yeux terriblement vulnérable.
C'est la
raison pour laquelle, je partage l'idée de rechercher des solutions, sans pour
autant s'immiscer dans l'intimité personnelle qui veut, en toutes circonstances,
qu'on laisse les gens libres de choisir leur vie, même s'ils veulent être dans l'illégalité ou se détruire ou se mettre en danger, en les considérant comme
responsables ; l'ordre public, la sécurité et la tranquillité de tous, étant en
sus, des éléments dont la sauvegarde est nécessaire.
Tout cela demeure vraiment
très complexe je pense. Bravo pour l'intiative de ce débat.