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28 juin 2015

Avant la brève juridique sur l'affaire Lambert, le souvenir de Louise et son frère.

Que dire de cette décision rendue par la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans ce qu’il est dorénavant convenu d’appeler l’affaire Lambert, qui a troublé jusqu’aux personnes à l’émotivité la plus standard.

J’ai promis de me pencher sur cette décision dont la portée est très dangereuse pour l’Humanité, et en mémoire d’une camarade, Louise, avec laquelle j’ai vécu mes premières années d’études si je me souviens bien. Pour elle, et son frère, comme en mémoire de sa famille qui a vécu un choc aussi tragique que la famille Lambert, je dois tenir ma parole.

Mais il faut commencer par le commencement : avant de publier une brève juridique, je veux ici dans un premier article, poser le souvenir qui a surgi ; vous parler d’elle, Louise, et de son frère, tels que leurs images sont brusquement réapparues dans mon esprit.

C’est l’histoire d’une rencontre pour le moins inattendue.


Tout était une évidence naturelle, un bonheur, dans la démarche de Louise, ça c’est un élément qui m’a profondément marquée, si d’autres souvenirs sont moins clairs. C’était il y a 20 ou 21 ans, donc il y a longtemps.

A l’occasion d’une sortie un soir convenue en dernière minute si mes souvenirs sont bons, elle m’avait alors invitée chez elle dans le fin fond du 95 ou la limite de l’Oise, je ne me souviens plus bien du lieu, c’était une bourgade en très grande banlieue campagnarde, ça je m’en souviens bien ; je vois l’image de la route vers chez elle : il m’apparaît ainsi que je l’ai suivie dans ma super cinq à jantes Baccara, jusqu’à sa bourgade, alors qu’elle me précédait avec sa Volvo modèle familial. Il me semble que nous allions ensuite rejoindre quelques-uns de mes amis, dans un des bars à l’époque branchés de la grande banlieue campagnarde : le Tropico il me semble, qui avait élu domicile dans un club équestre de l’Isle Adam.

Une chose certaine, avant ce que nous avions convenu de faire, elle avait un impératif auquel elle ne pouvait se soustraire : s’occuper de son frère avant, et avec un grand sourire, très décontractée, elle m’avait proposé de passer chez elle avant pour ce faire ; solution acceptée bien évidemment, sans même savoir ce qui m’attendait.

Arrivées chez elle, après un passage dans sa chambre déposer nos affaires, elle m’a tout naturellement demandé de l’accompagner pour aller voir son frère. Je la suivais, alors qu’elle passait dans la cuisine pour y prendre le nécessaire, puis elle m’invita à entrer dans la chambre de son frère, tout en m’indiquant brièvement qu’il avait eu un grave accident de voiture et qu’il était paralysé. Là dans la chambre, je découvris un homme éveillé, alité sur un lit identique à ceux que j’avais déjà vus à l’hôpital, les membres supérieurs rétractés en particulier les mains recourbées ; Louise, sourire aux lèvres, s’affairait autour de lui en lui parlant à voix haute tendrement et tout naturellement, après l’avoir embrassé sur le front ; j’ai observé en silence cette scène si inhabituelle pour moi.

Elle changea une poche, reliée avec un tuyau (qui correspond à une sonde) pour l’alimenter, ce qu’elle m’expliqua, tout en continuant à parler à son frère. Elle lui expliqua qui j’étais : sa camarade d’études.

Ce tableau que ma mémoire a choisi de réanimer, me saisit encore aujourd’hui 20-21 ans après, avec la même intensité ; et j’avoue bien volontiers que je ne savais pas comment réagir le temps d’un instant ; la voix assurée de Louise, me présentant à son frère de façon aussi spontanée, m’invitant au naturel également, je lui demandais s’il ne souffrait pas et ce que je devais faire ; joyeuse et rassurante elle me dit de m’approcher, de me présenter et lui parler à mon tour, ce que je m’appliquais à faire, sans savoir s’il m’entendait vraiment ; ses yeux ne se fixaient pas, et j’ai eu peur de le déranger dans son intimité ; j’étais envahie par des ressentis très confus je peux encore les sentir : une certaine gêne contrariée par une ambiance très chaleureuse car Louise, elle, était heureuse et riait ; en ce qui me concerne, j’étais un peu mal à l’aise, tout en étant submergée par le naturel et la joie de vivre de Louise ; elle me rassura en m’expliquant quelques détails de la situation ; et il était prévu que je sorte un instant le temps qu’elle finisse de s’occuper de lui. Après je ne sais plus trop, les souvenirs s’arrêtent là, j’ai quelques images d’échanges dans sa chambre, et de notre sortie au bar.

Toutes ces images sont revenues, toutes ensembles, quand j’ai appris la décision de la Cour de Strasbourg. Elles étaient enfouies en moi depuis 20-21 ans.

Il était nécessaire de les exposer ici avant d’aborder la décision, car il faut mesurer la réalité d’une telle situation, je crois, avant toute autre chose. Humblement je dois reconnaître que je n’en n’ai vu qu’un court instant, et je dois poser simplement là ces images. De toutes ces images qui sont revenues brusquement dans mon esprit, son naturel et sa joie de vivre dans la façon d’aborder la vie, d’entrer avec moi dans la chambre de son frère tétraplégique et faire les présentations comme une évidence, aborder cet instant simplement comme un bonheur, lui parler avec amour et assurance, s’en occuper naturellement avant de sortir car c’était son tour à elle de s’en occuper – chacun dans la famille se partageant ce rôle de façon spontanée et naturelle de ce que j’en ai compris-, sont un souvenir très clair qui m’a ainsi profondément marquée.

Quels que soient les doutes sur le caractère pleinement conscient de cet homme et ses réactions, Louise et sa famille étaient convaincues de l’évidence de l’entourer, près d’eux, parmi eux ; cet être humain brisé par un tragique accident, était bien le fils, le frère, membre à part entière de la famille, et au-delà de la douleur, la tristesse, l’impuissance, ce qui m'a été donné de voir ce jour là, c'est que la vie avait tout simplement pris le dessus.

C’est cette certitude qui ressort du souvenir qui a brusquement ressurgi de ma mémoire.

Il ne s’agit pas de décréter que cela soit chose aisée pour tout le monde, ni même que la situation de Louise et sa famille ait été un idéal tous les jours, jamais traversé de doute, ni juger ceux qui sont confrontés à une telle tragédie et ne se sentent pas le courage de faire la même chose ; je ne sais pas moi-même si j’en serais capable ; j’en doute même, à dire vrai. Quel courage, j’en suis très admirative.

Je pense seulement qu’il est de mon devoir de poser ces images et ce qui en est ressorti comme une certitude : c’est la vie qui avait pris le dessus.

C’est mon devoir parce que, peut-être, ces images sont réapparues plus de vingt ans après comme un témoignage, dont je ne suis que le relais.